ORIENTATIONS 2014-2020
Institut séculier féminin du Cœur de Jésus
Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie ; alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer (Ac 2, 1-4)
11. Alors que le grand vent de l’Esprit souffle sur l’Église, nous laissant pressentir que nous sommes à l’une de ces époques charnières de son histoire où l’Esprit parle avec force, voici que nous sommes appelées à tenir notre Assemblée générale, temps privilégié pour nous interroger sur l’avenir de l’Institut séculier du Cœur de Jésus et appel à l’ajuster davantage, au cœur de la Famille Cor Unum, aux besoins de l’Église et du monde.
12. Depuis plus d’un an, des interpellations de François résonnent fortement en nous : sortez, partez, allez jusqu’aux périphéries existentielles, allez toucher la chair du Christ pauvre, allez témoigner de l’Évangile de la vie, dire que le Christ ressuscité est venu nous sauver par amour. Voici qu’elles nous bousculent certes, mais surtout nous dynamisent et nous stimulent. Il n’y a aucune de nous qui ne le ressente, confusément ou plus explicitement : nous n’avons pas d’autre vocation. C’est bien notre expérience qu’elles rejoignent et guident. Mais les entendre ainsi nous redit l’actualité de notre vocation et nous donne une immense espérance pour les années à venir. C’est pourquoi nous voulons les entendre un peu précisément aujourd’hui et les laisser nous bousculer et nous envoyer encore.
- Dans une Église en sortie : “Sortez, partez, allez !”
- Aux périphéries de l’existence, toucher la chair du Christ pauvre,
- L’audace d’inventer,
- Seigneur, qu’ai-je à dire à mes frères ?
Dans une Église en sortie : « Sortez, partez, allez ! »
« Ici est née l’Église, et elle est née en sortie. D’ici elle est partie, avec le Pain rompu entre les mains, les plaies de Jésus dans les yeux, et l’Esprit d’amour dans le cœur. Au Cénacle, Jésus ressuscité, envoyé du Père, communiqua aux Apôtres son Esprit-même et avec cette force, il les envoya renouveler la face de la terre » (François, homélie au Cénacle, 26 mai 2014)
21. La marche à la suite du Christ commence par la sortie de soi et de ses enfermements, et c’est l’expérience du Ressuscité qui le permet. Il a fallu que Marie-Madeleine, à côté du tombeau vide, fasse l’expérience de la présence du Ressuscité pour sortir de ses larmes, entrer dans la joie de Pâques et partir en témoigner. Nous le savons bien : ce n’est que quand nous faisons l’expérience de la présence du Ressuscité que nous pouvons sortir de nos enfermements ou dépasser nos blessures, retrouver notre dynamisme et être le plus véritablement nous-mêmes.
22. Mais si la porte est ouverte, il faut alors encore accepter de partir. Alors, ces paroles nous interrogent : est-ce que j’accepte d’avoir encore à prendre un départ – et il n’est pas toujours géographique –, à quitter le lieu que j’habite ? Quel déplacement demandé par l’Esprit transfigure mes tendances personnelles, étant ainsi la marque de sa présence en moi ? On pourrait ajouter : et l’Institut, me réveille-t-il et me pousse-t-il à sortir et à aller jusqu’au bout du don ? Mais aussi : à quel déplacement est appelé l’Institut lui-même ?
23. Ce n’est pas un départ sans but. Le Seigneur invite Abraham à « partir vers le pays que je t’indiquerai » comme l’Esprit pousse Jésus à repartir sans cesse annoncer la Bonne Nouvelle et Marie-Madeleine à dire aux disciples que le Christ est vivant. Aller est « sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile », de la lumière qu’apporte la joie de Pâques.
Aux périphéries de l’existence,
toucher la chair du Christ pauvre
« L’Église est appelée à sortir d’elle-même pour aller jusqu’aux périphéries, pas seulement les périphéries géographiques, mais aussi les périphéries existentielles : là où réside le mystère du péché, de la douleur, des injustices, de l’ignorance et du mépris du religieux et de la pensée, là où résident toutes les misères. »
« Parfois, nous sommes tentés d’être des chrétiens qui se maintiennent à une prudente distance des plaies du Seigneur. Pourtant, Jésus veut que nous touchions la misère humaine, la chair souffrante des autres. »
31. Les périphéries de l’existence sont partout, différentes selon notre région d’appartenance, depuis celle de la personne qui n’a plus ni papier ni domicile, jusqu’à ce domaine délaissé de la culture ou du savoir, en passant par toutes les pauvretés cachées ou occultées (qu’elles soient psychiques, matérielles, spirituelles ou sociétales…). Lorsque nous sommes à l’écoute de l’Esprit, elles nous sont données par le Seigneur. Si l’option préférentielle pour les pauvres n’est facultative pour aucune d’entre nous, nous n’avons pas de lieux d’insertions privilégiés et nous pouvons rendre grâce à Dieu de la richesse que représentent pour l’Institut les insertions très diverses de ses membres. Redisons-le : aucune ne nous est interdite mais nous reconnaissons que le Seigneur nous invite à une présence particulière aux réalités qui se trouvent davantage aux périphéries de l’existence.
32. Nous le croyons : dans ces lieux qu’il est parfois difficile à l’Église de pénétrer, le Seigneur nous envoie être sa présence et manifester parfois qu’une seule personne qu’on accompagne a pour lui infiniment de prix parce qu’elle est à son image et ressemblance. En même temps, il ne suffit pas d’être profondément insérée dans le monde pour ne pas être guettée par les pièges de l’enfermement : il y a des enfermements familiaux, professionnels, pastoraux même, et nous voulons que l’Institut nous aide à les déjouer. C’est alors que nos rencontres sont des lieux privilégiés de discernement où, ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu, « nous renouvelons dans la foi notre façon de voir les hommes et les événements » (Const., 59) pour entendre quelle est la pauvreté que l’Esprit nous appelle à transfigurer de sa présence. Il y a une authenticité de la mission à vérifier.
33. S’il nous est donné la grâce de pénétrer ces périphéries ou d’y être présentes par nos fragilités, acceptons-nous d’y demeurer jusqu’au bout, y compris dans l’échec ou l’impuissance apparente, en résistant à la tentation de la fuite qui peut nous saisir ? Toutes nous l’avons vécu : ce n’est qu’à ce moment-là que nous « touchons la chair du Christ pauvre » et qu’elle prend chair en nous. C’est là qu’aboutit la Mission et là qu’elle commence : quand j’accepte simplement d’être là, signe du Ressuscité. Mais nous le savons, ce choix est à refaire chaque jour pour y progresser patiemment dans un apprentissage, où « les pauvres seront nos maîtres » (Const., 39). Nous demandons à l’Institut de nous aider à vivre cette expérience pascale.
L’audace d’inventer
41. Quand nous entendons aujourd’hui ainsi les interpellations de l’Esprit, nous y entendons avec une force nouvelle nos Constitutions, et c’est pour nous le signe de leur pertinence, mais aussi un appel à faire preuve d’audace pour inventer avec l’Esprit les modalités nouvelles qui nous permettront d’être présence du Ressuscité dans le monde. Aller vers les périphéries comporte en effet des exigences : (1) tenir de manière forte à Celui qui est le centre de notre vie, (2) développer la conscience de ce qui nous réunit, (2) pouvoir ressourcer notre foi et accroître notre capacité de discernement,
Ce qui vaut pour chacune d’entre nous vaut aussi pour l’Institut : il y a des déplacements à opérer pour qu’il devienne toujours davantage le pivot de notre vie. Deux grands axes nous semblent ainsi à privilégier.
1. Une vie fraternelle forte : un discernement priant
42. Ce qui nous rassemble alors que nous ne nous sommes pas choisies, c’est avant tout une expérience spirituelle commune : celle de l’appel du Christ à le suivre dans le don qu’il fait de lui-même au Père, selon les Constitutions de l’ISFCJ, pour être la tendresse de son Cœur auprès de tout homme. Nos rencontres sont donc rassemblements autour de l’expérience commune du Ressuscité et de la Mission qu’il nous confie : comment nous reconnaissons et vivons avec Celui que notre cœur aime, comment nous l’annonçons. C’est cette expérience spirituelle commune et rien d’autre qui nous rassemble et nous construit.
43. Nous réaffirmons donc que nous avons le devoir de ménager des temps de vie fraternelle forte pour partager nos expériences, nous laisser édifier par les merveilles que le Seigneur fait à travers nos sœurs et leur communiquer le dynamisme qui nous habite. Dans cette perspective, nous avons toujours à nous réinterroger sur la priorité que nous donnons à l’Institut, « même au prix d’un certain renoncement » (Const., 108).
44. Alors que nous vivons dispersées, quelquefois séparées par de grandes distances, nous aurons audace et créativité pour inventer les modalités nouvelles de ces rencontres. Certaines régions en proposent déjà des formes nouvelles. Même si elles n’atteignent pas d’un coup leur objectif, elles ne se lasseront pas de proposer ce qui est condition de notre vitalité individuelle et communautaire.
45. Cette vie fraternelle sera aussi le premier lieu communautaire de ce discernement priant qui est aussi notre marque. Lieu où, en toute fraternité et dans la confiance mutuelle, nous pouvons interroger nos expériences et nos motivations, conforter nos discernements et repartir plus assurées. Ce n’est qu’ensemble que nous nous aiderons à repérer comment nous sommes témoins du Ressuscité et quelle est la « couleur » de notre témoignage personnel, comment notre présence change la vie de ceux qui nous entourent. C’est ensemble que nous grandirons dans cet amour de l’Église et du monde qui signe la présence de l’Esprit en nous.
2. Souplesse et force des structures
46. La vitalité de l’Institut du Cœur de Jésus se vérifiera aussi dans sa capacité à avoir des structures à la fois fortes et légères, dans sa capacité à ne pas se laisser enfermer dans des modèles qui ne seraient plus adaptés à notre temps, mais à faire preuve de capacité d’innovation. Deux domaines semblent déjà appeler des adaptations fortes.
47. La formation : une démarche d’intégration.
La formation doit être priorité, d’autant plus accentuée que nous sommes dispersées dans un monde peu chrétien. En raison des ressources bien souvent accrues de formation (niveau paroissial, diocésain, universitaire, conférences d’instituts séculiers, Internet, etc.) comme de notre dispersion, si l’Institut est le maître d’œuvre de la formation de chacune, il n’a aujourd’hui peut-être plus à en assumer lui-même toutes les modalités. C’est alors qu’il devient encore davantage essentiel que l’Institut veille à assurer l’intégration des apports selon l’esprit de nos Constitutions. Ainsi est-il nécessaire
- que chacune soit aidée à bâtir un programme de formation – initiale et continue, à la fois humaine et spirituelle – tenant compte de son mode de vie, de son parcours et de ses insertions,
- que soient proposés périodiquement des temps communs de relecture et de reprise des apports reçus (de façon interne ou externe) à la lumière des Constitutions.
48. Les instances de vie et de rencontre : une inventivité nécessaire.
Nos Constitutions font du groupe de rattachement un lieu majeur de vie et de discernement pour chaque membre de l’Institut, et sans doute chacune a-t-elle expérimenté qu’il peut effectivement être un lieu très fort de partage et de soutien mutuel. Compte tenu de l’évolution de nos conditions de vie, il convient de s’interroger à frais nouveaux pour que chaque région puisse déterminer l’instance de rattachement ou de rencontre la plus appropriée pour permettre à chacune d’entre nous d’approfondir toujours plus sa vocation selon l’esprit des Constitutions.
Ne nous cachons pas qu’il s’agit d’une démarche exigeante, impliquant tout à la fois la capacité de nous mettre à la recherche des adaptations nécessaires sous le souffle de l’Esprit ainsi que le renoncement à ce qui semble aujourd’hui ne plus être opératoire. C’est alors que la communication des expériences très diverses vécues dans les différentes régions de l’Institut peut aider chacune à dégager ce qui apportera renouveau et vitalité.
49. En toute chose, et aujourd’hui sans doute plus qu’hier, nous croyons que c’est en approfondissant ensemble nos Constitutions et ce qu’elles entendent privilégier que nous vivrons de leur fraicheur et de la force de leurs intuitions.
Convaincues que la Famille Cor Unum nous fait vivre une communion dans la diversité de nos vocations spécifiques et la corresponsabilité de ses membres, nous souhaitons aller plus loin ensemble dans la compréhension et la mise en œuvre de son projet original dans l’Église et le monde.
Seigneur, qu’ai-je à dire à mes frères ?
51. Joie de l’Évangile, joie de la Mission, joie d’être avec le Christ, joie d’une vie fraternelle… La joie authentique envoie et fait trouver les mots qui changent la vie. Quand les disciples d’Emmaüs reconnaissent le Christ, alors que le soir approche et que déjà le jour baisse, ils se lèvent et retournent à Jérusalem : ils ne craignent plus la nuit ou les dangers. Et ils n’annoncent qu’une chose : la Résurrection. Toutes nos réflexions, toutes nos pensées n’ont de sens que dans cette perspective : l’Institut ne se comprend bien que par rapport à ceux à qui nous sommes envoyées. C’est dans la mesure où nous sommes fidèles à cette mission que nous sommes vivantes. Le don de l’Esprit saint est pour proclamer la Résurrection du Christ et la conversion en son Nom.
— Seigneur, qu’ai-je à dire à mes frères ?
— La joie de l’Évangile est pour toi aussi
C’est l’unique mission de l’Institut.