Le Vatican vient de rendre publique la lettre envoyée par le Cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin de la part du Saint Père à Nadège Vedie, présidente de la Conférence mondiale des Instituts séculiers à l’occasion de son Assemblée générale.
La lettre commence en citant abondamment la vision des Instituts séculiers développée par Paul VI dans son discours aux participants du Congrès international des Instituts séculiers en septembre 1972. Si l’intuition de Paul VI est réellement prophétique, le cardinal Parolin en vient à ce qu’on pourrait appeler à direction dans laquelle les Instituts séculiers sont aujourd’hui appelés à travailler à l’actualité de leur vocation. À travers l’écriture même de la lettre*, on sent que l’orientation donnée par le cardinal Secrétaire d’État – et la fin de la lettre dire qu’il s’agit des réflexions et exhortations que le Saint Père le charge de transmettre – est déjà l’expression, le fruit d’un discernement dont il s’agit de tirer maintenant toutes les conséquences.
Aujourd’hui il est demandé aux Instituts séculiers une synthèse renouvelée, fixant toujours le regard sur Jésus et étant en même temps immergés dans la vie du monde. Faire la synthèse entre consécration et sécularité signifie avant tout tenir ensemble les deux aspects, sans jamais les séparer. Cela signifie aussi les combiner, non les superposer : en effet, la superposition porterait à vivre de manière formaliste, porterait à observer diverses pratiques sans que cela ne comporte de changement dans la manière de vivre les relations avec les frères et avec le monde. Enfin, faire la synthèse signifie aussi qu’on ne doit pas subordonner un élément à l’autre: sécularité et consécration doivent marcher ensemble ; l’une a besoin de l’autre. Vous n’êtes pas d’abord laïcs puis consacrés, mais pas davantage d’abord consacrés puis laïcs, vous êtes en même temps laïcs et consacrés. Et de cela découle aussi une autre conséquence très importante : il faut un discernement continu, qui puisse aider à opérer l’équilibre ; une attitude qui aide à trouver Dieu en toutes choses.»
* Note: le choix de souligner des termes est de l’auteur de la lettre.
Immédiatement après avoir exprimé l’exigence qui doit s’imposer aux instituts séculiers aujourd’hui, le cardinal Parolin en tirera la conséquence pour la formation des membres d’Instituts séculiers.
Cependant, c’est peut-être ensuite que se situe l’essentiel du texte avec ce qui ouvre à une lecture théologique de la vocation. Il est dommage que cette lettre ne soit aujourd’hui diffusée qu’en italien. C’est pourquoi, il nous paraît important de donner la traduction des paragraphes qui suivent.
« L’engagement dans le sécularité se déploie avec un souffle ample, sur de vastes horizons. Il faut par conséquent une attention continue aux signes des temps : l’histoire doit être lue, comprise et interprétée, et il faut s’insérer en elle de façon constructive et féconde, pour laisser une empreinte évangélique, contribuant – selon la diversité des responsabilités – à l’orienter vers le Règne de Dieu. C’est pourquoi cette vocation comporte une tension constante pour opérer une synthèse entre l’amour de Dieu et l’amour pour les hommes en vivant une spiritualité capable de conjuguer les critères qui viennent « d’en haut », de la grâce de Dieu, et les critères qui viennent « d’en bas », de l’histoire humaine. La croissance dans l’amour Dieu conduit inévitablement à une croissance dans l’amour pour le monde, et vice-versa.
« Guidés pas l’Esprit Saint dans vos actions, introduisez dans le monde la logique de Dieu, contribuant à réaliser cette humanité nouvelle qu’Il veut. C’est Dieu qui opère la synthèse entre sécularité et consécration. Grâce à Lui, on peut exercer une prophétie qui implique discernement et créativité suscités par l’Esprit. Le discernement comme effort de comprendre, d’interpréter les signes des temps en acceptant la complexité, la fragmentarité et la précarité de notre temps. La créativité comme capacité d’imaginer des solutions neuves, d’inventer des réponses inédites et plus appropriées aux situations nouvelles qui se présentent. Se faire compagnons de l’humanité en chemin est pour vous une réalité théologique. La recherche du dialogue et de la rencontre, qui vous demande de vous faire hommes et femmes de communion dans le monde en est une part essentielle.
« Vous êtes donc appelés en Christ à être signes et instruments de l’amour de Dieu dans le monde, signes visibles d’un amour invisible qui envahit tout et veut tout racheter pour reconduire toute chose à la communion trinitaire, origine et achèvement ultime du monde.»*
* Traduction de l’ISFCJ
Cette lettre importante pourrait se terminer avec la synthèse sur deux nécessités pour vivre la vocation qui vient d’être esquissée : l’urgence de prendre soin de la vie de prière, l’urgence de vivre l’amour fraternel.
Cependant, on ne peut rendre compte de ce texte sans remarquer ce qui semble être une prise en compte nouvelle de diversités. Deux exemples :
- à partir de l’exigence de vivre l’amour fraternel: le cardinal Parolin prend en compte toutes les manières de vivre notre vocation, ainsi le fait de vivre « »dans les situations ordinaires du monde, seuls, en famille, en groupes de vie fraternelle, selon les Constitutions propres « .
- le cardinal essaie de décrire ce qui différencie prêtres et laïcs membres d’Instituts séculiers, donc ayant pour ainsi dire une vocation commune : le rapport au monde. Ce souci est si rare qu’il faut peut-être l’appeler une nouveauté. Nul doute que là aussi une voie de recherche soit ouverte.
En bref, ce texte invite à un travail de recherche passionnant sur ce qui pourrait bien être une des vocations phares du XXIe siècle. Espérons la traduction intégrale de ce texte.
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