Paul VI

A-t-on mieux compris les Instituts séculiers que Paul VI ?

Voici sans doute le discours adressé aux instituts séculiers qui sera le plus repris : c’est au coeur de ce texte en effet (§ 4-6) qu’on trouve la phrase la plus répétée depuis lors pour dire ce que sont les instituts séculiers. Paul VI leur assigne comme tâche, pour demeurer « fidèles à leur vocation propre », d’être « comme ‘le laboratoire d’expériences’ dans lequel l’Eglise vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde ». Ici, le monde est présent partout – et on sens l’influence de la toute récente (décembre 1975) exhortation apostolique ‘Evangelii nuntiandi sur l’évangélisation.
Mais relever l’importance de « mettre en oeuvre toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées… déjà présentes et actives dans les choses du monde » impose aussi une exigence : celle du discernement qui, seul, permet de discerner ces potentialités évangéliques actives sans se laisser prendre à toutes les apparences. Plus tard, Jean Paul II et Benoît XVI insisteront de plus en plus sur ce service du discernement dont notre texte signale l’importance de la formation approfondie de la conscience qu’il requiert. On peut alors mesurer la force d’une exigence rappelée par Paul VI qui est en même temps une promesse: les instituts séculiers sont vivants dans la mesure où ils participent à l’histoire de l’homme…

Chers Fils et chères Filles dans le Seigneur,

1. C’est bien volontiers que nous avons accueilli la demande du Conseil exécutif de la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers, lorsque, en temps voulu, il nous fit part du désir de cette rencontre. Elle nous offre, en effet, l’occasion de vous exprimer, avec notre estime, les espoirs de l’Église dans le témoignage particulier que les Instituts séculiers sont appelés à rendre parmi les hommes d’aujourd’hui.

2. Il n’est pas nécessaire de nous arrêter pour mettre en lumière les caractéristiques particulières qui définissent votre vocation, puisque, dans leurs traits fondamentaux qui sont « une vie totalement consacrée, en suivant les conseils évangéliques, et une présence et une action destinées, en toute responsabilité, à transformer le monde du dedans », ces caractéristiques peuvent être maintenant considérées comme une acquisition certaine de votre conscience institutionnelle. Tout cela, nous l’avons rappelé à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Constitution apostolique Provida Mater (Discours du 2 février 1972).

3. A la place qui est nôtre, notre désir est de souligner plutôt le devoir fondamental qui découle de la physionomie évoquée tout à l’heure, c’est-à-dire le devoir d’être fidèle. Cette fidélité, qui n’est pas immobilisme, signifie avant tout attention à l’Esprit Saint qui fait l’univers nouveau (cf. Ap 21,5). Les Instituts séculiers, en effet, sont vivants dans la mesure où ils participent à l’histoire de l’homme, et témoignent auprès des hommes d’aujourd’hui, de l’amour paternel de Dieu, révélé par Jésus-Christ dans le Saint-Esprit (cf. Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, 26).

 4. S’ils demeurent fidèles à leur vocation propre, les Instituts séculiers deviendront comme « le laboratoire d’expériences » dans lequel l’Église vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde. C’est pourquoi ils doivent écouter, comme leur étant adressé surtout à eux, l’appel de l’Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi : « Leur tâche première … est la mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c’est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media » (n°70).

5. Cela ne signifie pas, évidemment, que les Instituts séculiers, en tant que tels, doivent se charger de ces tâches. Cela revient normalement à chacun de leurs membres. C’est donc le devoir des Instituts eux-mêmes de former la conscience de leurs membres à une maturité et à une ouverture qui les poussent à se préparer avec beaucoup de zèle à la profession choisie, afin d’affronter ensuite avec compétence, et en esprit de détachement évangélique, les poids et la joie des responsabilités sociales vers lesquelles la Providence les orientera.

6. Cette fidélité des Instituts séculiers à leur vocation spécifique doit s’exprimer avant tout dans la fidélité à la prière, qui est le fondement de la solidité et de la fécondité. I1 est donc très heureux que vous ayez choisi comme thème central de votre Assemblée la prière en tant « qu’expression d’une consécration séculière » et « source de l’apostolat et clé de la formation ». C’est-à-dire que vous êtes en recherche d’une prière qui soit expressive de votre situation concrète de personnes « consacrées dans le monde ».

7. Nous vous exhortons donc à poursuivre cette recherche, en vous efforçant de faire en sorte que votre expérience spirituelle puisse servir d’exemple à tout laïc En effet, pour celui qui se consacre dans un Institut séculier, la vie spirituelle consiste à savoir assumer la profession, les relations sociales, le milieu de vie, etc. comme formes particulières de collaboration à l’avènement du Royaume des cieux, et à savoir s’imposer des temps d’arrêt pour entrer en contact plus direct avec Dieu, pour Lui rendre grâce et pour Lui demander pardon, lumière, énergies et charité inépuisable pour les autres.

8. Chacun de vous bénéficie assurément du soutien de son Institut, par les orientations spirituelles qu’il donne, mais surtout par la communion entre ceux qui partagent le même idéal sous la conduite de leurs responsables. Et, sachant que Dieu nous a donné sa Parole, celui qui s’est consacré se mettra très régulièrement à l’écoute de la Sainte Écriture, étudiée avec amour et accueillie avec une âme purifiée et disponible, pour chercher en elle, ainsi que dans l’enseignement du Magistère de l’Église, une interprétation exacte de son expérience quotidienne vécue dans le monde. De façon spéciale, en s’appuyant sur le fait même de sa consécration à Dieu, il se sentira engagé à favoriser les efforts du Concile pour une participation toujours plus intime à la sainte liturgie, conscient que la vie liturgique bien ordonnée, bien intégrée dans les consciences et les habitudes des fidèles, contribuera à maintenir vigilant et permanent le sens religieux, à notre époque, et à procurer à l’Église un nouveau printemps de vie spirituelle.

9. La prière deviendra alors l’expression d’une réalité mystérieuse et sublime, partagée par tous les chrétiens, c’est-à-dire l’expression de notre réalité de fils de Dieu. Elle sera une expression que le Saint-Esprit purifie et assume comme sa propre prière, en nous poussant à crier avec Lui: Abba, c’est-à-dire Père! (cf. Rm 8, 14ss; Ga 4,4ss).

10. Une telle prière, si elle parvient à être consciente dans le contexte même des activités séculières, est alors une véritable expression de la consécration séculière.

11. Telles sont les pensées chers fils et chères filles, que nous voulons confier à votre réflexion, afin de vous aider dans votre recherche d’une réponse toujours plus fidèle à la volonté de Dieu, qui vous appelle à être dans le monde, non pour en assumer l’esprit, mais pour porter au milieu de lui un témoignage susceptible d’aider vos frères à accueillir la nouveauté de l’Esprit dans le Christ. Avec notre Bénédiction Apostolique.

Rome, 25 août 1976

* Le texte original est en français